Le bonheur: la quête de toute une vie!
par Bruno Fortin,
psychologue
Le bonheur est le degré selon lequel une personne évalue
positivement la qualité de sa vie dans son ensemble. Lazarus et Lazarus (1994)
suggèrent que nous cheminons vers le bonheur lorsque nous croyons faire
suffisamment de progrès vers la réalisation de ce qui nous tient à cœur. J’aime
bien cette suggestion qui inclue une évaluation subjective de ce qui peut être
suffisant, la notion de mouvement, et implicitement la constatation qu’il nous
faudra une direction, un but, un engagement vers quelque chose qui nous
permettra d’évaluer la direction que prend notre vie. Les mêmes auteurs
suggèrent que nous ne puissions faire du bonheur le but de notre vie: il est un
effet secondaire d'une bonne utilisation de nos capacités naturelles et de
tendre vers autre chose que notre simple bien-être.
Blondin (1983) cite un pharaon égyptien qui définit
le secret du bonheur sous forme d’une métaphore: marcher dans la nature à la
rencontre de nos tendresses. Ici encore, cette notion de mouvement, dans un
contexte naturel, vers ce qui nous tient à cœur.
Les gens heureux se caractérisent par leur estime
d'eux-mêmes, leur croyance au contrôle sur leur vie, leur optimisme, leur foi
religieuse et leur engagement. Les individus appartenant à des groupes
désavantagés maintiennent leur estime d'eux-mêmes en valorisant les choses dans
lesquelles ils excellent, en faisant des comparaisons à l'intérieur de leur
propre groupe et en attribuant leurs problèmes à des causes externes ou aux
préjugés.
La richesse est comme la santé: son absence engendre
la misère; sa possession ne garantit pas le bonheur. Le bonheur est subjectif.
Les facteurs objectifs ou les indices sociaux du bonheur, dont l'âge, le sexe,
l'ethnie, la religion, l'éducation, le revenu et l'emploi n'expliquent que 3% à
5% de la variance des mesures de bonheur. Cet énoncé est exact en ce qui a
trait au revenu pourvu qu'il permette de combler les besoins de subsistance. En
effet, point de bonheur possible quand les besoins primaires de subsistance ne
sont pas comblés.
Même les gens heureux se plaignent. La moitié des
sujets qui disent qu'ils sont satisfaits de leur vie dans son ensemble déclare
également des inquiétudes variées. Bonheur et plaintes ne s'excluent pas
mutuellement. On peut être conscient de manques sérieux. Les deux découlent
d'une réflexion sur la vie. C'est seulement à travers la prise de conscience
réaliste des douleurs et des dangers que l'on fait face efficacement aux
problèmes de la vie. Les personnes qui souffrent de difficultés récurrentes ou
chroniques ont besoin qu'on les aide à composer avec ce qu'ils sont, et à faire
le deuil d'un certain type de bonheur et d'un certain type de cheminement.
Nous nous inspirerons de Fordyce (1997) pour réviser
14 points importants à cultiver dans notre éducation continue au bonheur.
Rappelons-nous que nous sommes tous des étudiants à l’école du bonheur.
1. Soyez plus actif et demeurez
occupé.
Les activités les plus efficaces dans la quête du
bonheur sont ceux qui permettent de s’y absorbés, qui sont agréables,
significatifs, sociaux, variés et/ou nouveaux et valorisants. Cela vaut la
peine d’explorer plusieurs activités afin d’en avoir un éventail à choisir une
fois rendu à un âge avancé.
2. Passez plus de temps à
socialiser.
La télévision ne peut pas satisfaire notre besoin de
contacts avec un autre humain. Nous avons besoin de voir un visage d’être
humain qui nous regarde, nous donne tout son attention et reconnaît notre
présence. Cela vaut la peine de se faire un réseau d’amis qui seront encore là
au moment où on en aura besoin.
3. Soyez productif dans une activité
significative.
Produire quelque chose de significatif ne signifie
pas nécessairement qu’il faille le faire dans le cadre d’un travail. Pensons à
toutes les formes de bénévolat, de services que l’on rend aux gens importants
de son entourage. C’est là que prend tout son importance dans la qualité du
lien avec les petits enfants à qui on peut faire du bien.
4. Organisez-vous.
Que d’énergie de perdue dans le chaos ! Et il faut
mettre une quantité phénoménale d’énergie pour s’y retrouver avant même de se
mettre en mouvement. En planifiant à l’avance, en conservant un certain ordre
dans notre vie, il est plus facile de prioriser et de fragmenter.
5. Arrêtez de vous tracasser.
Facile à dire. On peut constater qu’il nous arrive de
perdre notre temps à nous torturer en remâchant des événements du passé sur
lesquels nous n’avons aucun pouvoir ou à anticiper des catastrophes qui ont peu
de chances de se produire, même si on se forçait à les vivre 50 fois en
imagination. Que d’énergie de perdu ! Lorsqu’on est jeune et débordant
d’énergie, c’est sans grande importance. Lorsque l’énergie se fait plus rare,
on peut renoncer à se tracasser pour conserver notre énergie pour ce qui est prioritaire
et efficace.
6. Ajustez bien
vos attentes et vos aspirations.
Je ne serai jamais danseur de ballet ou chanteur
d’opéra. Même si je le voulais beaucoup. Ce n’est pas vrai que si on veut on
peut. Il faut donc réviser ses attentes et cesser de se demander l’impossible.
Désirons l’accessible. Nous serons plus efficaces et plus souvent satisfaits.
7. Développez une pensée positive et
optimiste.
Cela ne veut pas dire excessivement optimiste. La
souffrance et l’injustice existent. Il s’agit plutôt de se concentrer sur le
mode de pensée qui a le plus de chance d’être efficace. L’anticipation du
chemin qui peut nous amener vers notre but est plus féconde que l’anticipation
paralysante de toutes les catastrophes qui peuvent se produire. Évitons
d’obséder sur le verre d’eau à moitié vide. L’important, c’est qu’il y a de
l’eau et que j’ai soif. Je peux donc satisfaire mon besoin sans perdre
d’énergie à ruminer sur ce qui me manque.
8. Soyez orienté vers le présent.
Une bonne façon de s’entraîner à sortir des
ruminations du passé ou de l’anticipation craintive: se concentrer sur la
satisfaction présente de nos besoins. Le plaisir d’une chaise confortable. Le
bruit des oiseaux par la fenêtre. Les sensations de la marche en plein air. Le
vent sur la peau. Les sensations de la nourriture que l’on aime. Le sourire de
notre voisin de chambre. La lumière dans l’œil de la personne qui nous compte
une histoire intéressante. Soyez là. Habitez votre vie. Maintenant.
9. Développez une relation positive
avec vous-même.
Certaines personnes se traitent comme si elles
étaient leur pire ennemi. Elles se disent des cochonneries. Traitez-vous comme
un bon ami. Intéressez-vous à vos goûts, à vos intérêts, à vos besoins.
Amenez-vous à des endroits agréables. Dites-vous des choses encourageantes.
Vous êtes la seule personne avec qui vous êtes certain de passer le reste de
votre vie.
10. Développez une personnalité
engageante.
La meilleure façon d’avoir des amis, c’est d’en être
un soi-même. Développez vos habiletés amicales. Développez l’art de commencer
et de maintenir des conversations. Prenez des petits risques. Saluez les gens.
Regardez-les. Intéressez-vous aux autres. Ils vous le rendront.
11. Soyez vous-mêmes.
La séduction ne mène pas au bonheur. Présentez une
image fausse de vous-même parce que vous vous imaginez que c’est ce que les
autres désirent vous piège. Vous serez obligé de fuir avant qu’ils découvrent
qui vous êtes vraiment. Il vaut mieux mettre en évidence le meilleur de soi.
12. Allez chercher de l'aide au
besoin.
Il faut parfois avoir l'humilité de consulter des
professionnels. Quand consulter? Votre processus de changement personnel est
inefficace. Vous êtes aux prises avec un problème à long terme. Vous êtes aux
prises avec des problèmes qui reviennent sans cesse. Vous avez fait de son
mieux pour changer. Vous avez essayé d'apprendre de vos efforts. Vous
considérez le problème comme assez important pour rechercher de l'aide. Vous
utilisez des stratégies inefficaces, telles que la pensée magique ou l'auto-accusation.
Vous n'avez pas dans votre entourage de relations aidantes.
La lecture de ce texte ne devrait-elle pas suffire à
régler tous vos problèmes? Instantanément? Pour l'éternité? Et non... Les
lectures ne suffisent pas parce que le lecteur ne réussit pas toujours à les
comprendre, à les appliquer ou à persévérer dans leur application.
13. Développez vos relations
intimes.
Les relations intimes sont la première source de
bonheur. Sur son lit de mort, qui demande une dernière fois à voir son compte
en banque? La maladie et la mort nous confrontent aux valeurs essentielles de
la vie, qui sont souvent les valeurs du cœur. Cultiver ses relations intimes
nous aide à mieux affronter les grands changements de la vie, les pertes et les
maladies. La plupart des gens recherchent des interactions fréquentes et non
conflictuelles dans un contexte relationnel marqué par l’échange et le support
mutuel.
14. Valorisez le bonheur.
Vous n’aurez pas instantanément et sans effort la
satisfaction complète de tous vos besoins. Mais vous pouvez, à chaque fois que
l’occasion se présente, choisir l’option qui a le plus de chance de vous
apporter une plus grande satisfaction dans la vie. Vous le méritez.
Références
Blondin, R. (1983). Le bonheur possible. Montréal: Les
éditions de l'Homme.
Boucher, Francine (1998). Bonheur, psychopathologie et
psychothérapie. Psychologie Québec, 15 (2), 17-19.
Dubé, L., Kairouz, S. et Jodoin, M. (1997). L'engagement: un
gage de bonheur. Revue québécoise de psychologie, vol 18(2), p. 211-237.
Fordyce, M. W. (1997). Éducation au bonheur. Revue
québécoise de psychologie, vol 18(2), p. 239-252..
Fortin, B. (2000). Côtoyer la souffrance des personnes
âgées. Montréal: Fides.
Lazarus, R. S. et Lazarus, B. N. (1994). Passion &
Reason. New York: Oxford University Press.
Psychologue en milieu hospitalier depuis plus de 35 ans, Bruno Fortin s'intéresse particulièrement aux stratégies d'adaptation face aux situations stressantes de la vie. Il a une vaste expérience d'enseignant et d'animateur d'ateliers. Il est l'auteur et le coauteur de nombreux ouvrages dont Intervenir en santé mentale (aux éditions Fides), La gestion du stress au travail, La gestion des émotions, Se motiver et convaincre, Vivre avec humour (aux éditions CPF.) et le tout dernier Comment améliorer votre médecin? aux Éditions Fides.
Janvier 2020, © Bruno Fortin, psychologue. Tous droits réservés.