Vivre avec un malade
par Bruno Fortin, psychologue




Vivre avec un malade, cela peut mobiliser une partie importante de son énergie. Il faut contrôler les symptômes, surveiller la condition du malade, prévenir les problèmes, gérer les crises, tenir compte des régimes alimentaires, se débrouiller avec les limitations physiques du malade, favoriser le processus de réhabilitation et mettre de l'énergie à faire face au risque d'isolement.


Face à ce défi, certaines personnes réagiront en fuyant, d'autres s'impliqueront à des degrés divers auprès du malade. Voyons quelques suggestions qui aideront ceux qui souhaitent s'impliquer à le faire de façon optimale.






Encouragez l'adhésion au traitement

Le traitement est souvent complexe. Plus il fait intrusion dans la vie du patient et plus il dure lontemps, plus l'adhésion au traitement sera problématique. L'entourage se retrouvent souvent avec une partie du fardeau de devoir motiver le malade, de lui rappeler 1) l'existence du problème, 2) l'importance du problème, 3) l'existence de solutions et 4) la capacité qu'il a de contribuer à son propre bien-être.


Faites de votre mieux: ne vous demandez pas l'impossible.

Donnez-vous d'abord un rôle réaliste. Vous ne pouvez pas avoir un contrôle absolu sur le comportement du malade et il lui revient éventuellement la responsabilité de faire les choix qui augmentent les chances qu'il puisse mener une vie agréable. Vous ne pouvez que faire votre effort, pas le sien. Rappelez-vous que vous n'êtes pas responsable des choses sur lesquelles vous n'avez pas de contrôle. Vous n'avez donc pas à vous en sentir coupable. Vous pouvez faire tout ce qu'il est humainement possible de vous demander et ne pas réussir pleinement à influencer le comportement du malade. Si la condition du malade se détériore, ce n'est pas nécessairement parce que vous n'avez pas fait ce qu'il fallait faire. Rappelez-vous que vous avez fait de votre mieux, avec vos ressources et vos connaissances, dans le contexte de votre vie. Personne ne peut vous demander plus. Vous pouvez être fier de vos efforts, même s'ils n'amènent pas les résultats que vous auriez souhaités.

Concentrez-vous sur ce qui est possible plutôt que de courir après l'idéal. Renoncez à vos désirs inaccesssibles d'être un modèle de générosité, de considération, de dignité, de courage et d'oubli de soi, renoncez à votre désir d'être la mère parfaite, la fille parfaite, la soeur parfaite, la bru parfaite, le conjoint parfait.

Ne vous exigez pas de trouver une solution rapide à tous les problèmes. Renoncez à vos exigences de tout savoir, tout comprendre et tout prévoir. C'est impossible. Contentez-vous d'être un être humain qui fait de son mieux pour en aider un autre.

Acceptez l'aide des gens de votre entourage. Aménagez l'environnement afin de vous faciliter la tâche.


Recherchez de l'information de qualité

Facilitez lui l'accès à l'information sur la maladie et le traitement. Mettez-le en contact avec des malades plus expérimentées. Allez chercher de l'information de qualité pour vous-mêmes et pour le malade.


Donnez de l'information sur ce que vous vivez.

Adoptez une approche exempte de jugement et supportante. Il est très important de pouvoir exprimer clairement et directement vos sentiments négatifs et votre point de vue plutôt que de les déguiser en accusations et en jugements absolus.

Prenez toutefois soin de le faire en parlant de vous-mêmes et non en jugeant le malade. Si vous lui dites: "Tu n'arrêtes pas de tricher. Tu es vraiment un imbécile sans volonté!.", il risque de se sentir accusé, blessé et de se défendre, peut-être même d'exprimer son indépendance en trichant encore plus. Vous aurez sans doute plus de chance d'être écouté si vous dites plutôt "Je me sens mal à l'aise quand tu manges sans te préoccuper de ton régime. J'ai peur que ta santé en souffre. Je deviens tendu lorsque j'imagine que tu pourrais devenir plus malade et que je pourrais te perdre."

Si vous avez un sentiment négatif à exprimer, faites-le donc en parlant de ce que vous vivez, de vos sentiments, et de la situation précise qui est reliée à ce sentiment.


Dites non

Les aidants naturels se sentent souvent à la merci du malade, incapables de lui refuser certains services même s'il s'agit de demandes exagérées. Les besoins et les désirs du malade entrent souvent en conflit avec ceux du soignant. Ce dernier est un être humain à part entière, avec ses droits et ses besoins. Il peut être attentif à ce qu'exprime le malade et en tenir compte sans devenir servile et soumis. Le maintien de son estime de lui-même et de la qualité de la relation avec le malade en dépend.

Il n'y a pas de limite à la tyranie que peut devenir le rôle de soignant si vous renoncez à votre capacité d'adopter un regard critique sur ce que vous avez à faire.

Vous pouvez entre autre refuser de poser des gestes que vous considérez nuisibles pour la santé du malade, tels qu'acheter ou préparer certains aliments qu'il doit éviter.


Parlez de vos désirs et de vos souhaits

Il est certainement plus constructif de dire à l'autre ce que vous souhaiteriez pour l'avenir que de simplement vous plaindre de ce qui est arrivé dans le passé. En général, le fait de manifester ses désirs sous forme de suggestions rend plus facile de discuter vraiment du problème plutôt que de se quereller sans entrevoir de solutions.

Rappelons toutefois qu'il ne s'agit pas de magie. Nous avons le droit de demander à quelqu'un de changer de comportement et l'autre a le droit de refuser de le faire. Rappelez-vous qu'il est le premier juge de ses comportements, de ses idées et de ses émotions, tout comme vous l'êtes des vôtres. Il s'agit d'augmenter vos chances qu'il collabore avec vous en lui donnant de l'information de qualité sur ce que vous vivez.


Rappelez-vous votre but

Votre but n'est pas seulement de combattre la maladie. C'est aussi que vous ayez une vie aussi satisfaisante que possible l'un auprès de l'autre.

Établissez des priorités. Rappelez-vous des valeurs qui vous amènent à prendre soin du malade. Reprenez contact avec le sens de ce que vous vivez. Renoncez à rendre le malade complètement et définitivement heureux. C'est impossible. Tout comme avant d'être malade, il aura à affronter des frustrations et des insatisfactions. Ses besoins ne peuvent pas être comblés instantanément.


Aidez le malade à avoir des attentes réalistes

Vous pouvez faire de votre mieux pour l'encourager à adhérer au traitement et à apprendre ce qu'il faut apprendre pour prendre soin de lui-même. Aidez-le à avoir des attentes réalistes et à être prêt à persévérer même si les résultats obtenus ne sont pas aussi satisfaisants qu'il le souhaiterait. Mettez l'accent sur l'importance de persévérer dans ses efforts. Il s'agit plus d'un marathon que d'un sprint. Il importe que vous trouviez tout deux une façon de poursuivre vos efforts à long terme.


Encouragez la réflexion

Ne vous affolez pas, réfléchissez. Aidez le malade à réfléchir aux problèmes plutôt que d'agir impulsivement. Prenez une distance émotionnelle des problèmes. Regardez-les de plus loin. Comparez-vous à d'autres personnes dans la même situation. Donnez-vous la permission de penser par vous-même. Vous n'êtes pas obligé d'être toujours en accord avec le malade.


Servez d'exemple sous certains aspects

Vous pouvez choisir de lui donnez l'exemple en adoptant vous-même un régime de vie équilibré et un régime alimentaire sain. N'allez toutefois pas jusqu'à vous obliger à suivre un régime aussi sévère que le sien. Vous êtes deux personnes différentes. Vous avez le droit à votre propre vie.


Remarquez ses succès

Encouragez-le en soulignant ses succès. Parlez-lui occasionnellement (pas nécessairement à chaque repas) que vous appréciez les efforts qu'il fait et que vous appréciez le fait que cela augmente les chances que vous ayez une longue vie agréable ensemble.


Amusez-vous

Contribuez à créer occasionnellement une humeur joyeuse dans votre vie commune. Partagez des activités agréables. Aidez-le à developper des activités qui facilitent le respect de son régime de vie.


Favoriser le développement de son sentiment de responsabilité.

Laissez le responsable de la gestion de sa vie en lui mettant clairement les conséquences de certains choix. Vous ne pouvez que faire votre partie. Laissez-lui la responsabilité de faire la sienne. En cas de problèmes, recherchez sa collaboration pour trouver ce qui pourrait aider à ce que cela se passe mieux la prochaine fois.


Apprenez à vous connaître et à prendre soin de vous.

Intéressez-vous à vous-même. Soyez attentif à vos besoins. Traitez-vous comme vous traiteriez un ami. Réservez-vous régulierement du temps pour le repos et les loisirs. Apprenez à reconnaître vos signaux d'alarme. Respectez vos limites. Lorsque vous considérez avoir fait ce que vous pouviez faire, donnez-vous la permission de détourner votre attention de la maladie. Intéressez-vous à autre chose. Donnez-vous la permission de vous retirer de l'environnement ou des contacts avec certaines personnes.lorsque vous en ressentez le besoin. Apprenez à vous détendre.

Renoncez à toujours contrôler vos sentiments, paraître heureux, calme et serein. Vous êtes un être humain qui vit toute la gamme des sentiments. Donnez-vous le droit d'être fatigué, ou malade. Prenez du temps pour vous-mêmes. Même si le malade réclamait tout votre temps et devenait temporairement triste et anxieux en votre absence, vous pourrez lui être utile plus longtemps si vous prenez soin de vous.

Evaluez régulièrement votre intérêt, votre disponibilité et votre capacité d'aider. Exprimez vos sentiments à un confident. Cela vous aidera à mieux comprendre ce qui se passe en vous.


Identifiez les situations stressantes

Sachez quand et où vous êtes le plus susceptible d'avoir à fournir un effort et quand vous êtes le plus susceptible de ne pas être à votre meilleur. Demandez alors l'aide de l'entourage. Reposez-vous en prévision de cette difficulté à surmonter.


Lectures suggérées:

Fortin, B. (2000). Côtoyer la souffrance des personnes âgées. Montréal: Fides

Désormeau, L. et Fortin, B. (1993). Vivre à plein malgré ses limites. Montréal: Fides

Néron, S. (1995). L'art et les voies de l'accompagnement. Montréal: Les Éditions MédiaPaul




Néron, Sylvain (1996). Facteurs opérants dans les groupes d'entraide mutuelle, Hope & Cope, été 1996, p. 6 et 7. Sir Mortimer B. Davis-Jewish General Hospital.


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Psychologue en milieu hospitalier depuis plus de 35 ans, Bruno Fortin s'intéresse particulièrement aux stratégies d'adaptation face aux situations stressantes de la vie. Il a une vaste expérience d'enseignant et d'animateur d'ateliers. Il est l'auteur et le coauteur de nombreux ouvrages dont Comment améliorer votre médecin? aux Éditions Fides.




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Janvier 2020, © Bruno Fortin, psychologue. Tous droits réservés.