Cours
no 11: L’épidémiologie
Rechercher et utiliser les données épidémiologiques
Aspect humain de la santé mentale et de la maladie mentale au Canada 2006
Définitions
Épidémiologie : Discipline qui étudie les différents facteurs intervenant dans l’apparition des maladies (infectieuses ou non) ou de phénomènes morbides déterminés (suicides) ainsi que leur fréquence, leur mode de distribution, leur évolution et la mise en œuvre des moyens nécessaires à leur prévention.
Épistémologie : Partie de la philosophie qui étudie l’histoire, les méthodes, les principes des sciences.
Nosologie : Classification des maladies
Étiologie : Recherche des causes d’une maladie.
Prévalence : Rapport du nombre de cas d’une maladie (ou d’un type d’accidents, etc.) à l’effectif d’une population donnée, sans distinction entre les cas nouveaux et les cas anciens.
Incidence : Le taux d’incidence, qui est le taux le plus couramment utilisé en épidémiologie, est calculé en divisant le nombre de nouveaux cas d’une maladie apparus au sein d’une population donnée pendant une période déterminée par le nombre de personnes-année qui sont suivies au cours de l’étude.
Références
Blais, Louise (2001) Sociologie et maladie mentale. Chapitre 66 dans P. Lalonde, J. Aubut , F. Grunberg et collaborateurs (Eds) : Psychiatrie clinique : une approche bio-psycho-sociale, Tome II, Spécialités, traitements, sciences fondamentales et sujets d’intérêt. Boucherville : Gaetan Morin éditeur. p. 1632-1646.
Collectif (1996). Le Petit Larousse Illustré : Dictionnaire Encyclopédique. Paris : Larousse. 1786 pages.
Roy, Marc-André et Maziade, Michel (2001) Épidémiologie. Chapitre 65 dans P. Lalonde, J. Aubut , F. Grunberg et collaborateurs (Eds) : Psychiatrie clinique : une approche bio-psycho-sociale, Tome II, Spécialités, traitements, sciences fondamentales et sujets d’intérêt. Boucherville : Gaetan Morin éditeur. p. 1614 à 1631.
Santé
Canada, Rapport sur les maladies mentales au Canada, Ottawa, Canada,
2002, 112 pages. ISBN
H39-643/2002F. No de cat.
0-662-87745-4
Cours
no 12 : L’épistémologie
Développer
une capacité d’analyse critique basée sur l’épistémologie
Quelques
concepts fondamentaux de l’épistémologie
Gagnon,
M. et Hébert, D. (2000). En quête
de science : Introduction à l’épistémologie. Saint-Laurent, Qc : Fides.
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Le concept classique de vérité,
aussi appelé réalisme naïf, a prévalu de la Métaphysique d’Aristote
jusqu’au moyen âge. Il considère
la vérité comme une conformité entre la pensée et le réel.
Le réalisme critique, issu de l’évolution
des connaissances, considère que parmi nos représentations, celles qui se
montrent efficaces pour assurer notre survie, prévoir des événements
futurs et guider nos actions transformatrices du monde physique et
humain ne peuvent être totalement fausses et n’avoir aucun rapport avec le
monde extérieur.
Les réalistes naïfs et critiques
affirment qu’il existe au-delà
de nos représentations, un monde qui existe indépendamment d’elles,
qui résiste à nos actions sur lui et ne se laisse pas transformer n’importe
comment, et que nous ne créons ni n’inventons à notre gré.
La perception est essentiellement
subjective mais son contenu est souvent intersubjectif parce que portant
sur des choses observables, communicables par le langage, avec une
efficacité suffisante pour rendre possible la discussion cohérente,
parfois aussi le consensus, la collaboration et l’interaction sociales.
Un énoncé décrivant une situation qui fait partie de la conscience
interne d’un individu n’est pas intersubjectif et il devient donc parfois
difficile d’en établir la vérité ou la fausseté.
Il faudra soumettre le locuteur à l’examen de congruence ou
confronter ses dires avec ceux d’un autre témoin de même événement.
Certains énoncées ne décrivent
pas des perceptions. Nous retenons
ou rejetons de tels énoncés comme plausibles ou vraisemblables selon qu’ils
satisfont plus ou moins certains critères : une bonne valeur explicative, la corroboration par l’expérience
ou l’expérimentation, l’efficacité pour guider nos actions
transformatrices du monde, la plus grande cohérence possible avec les
connaissances établies et une simplicité relative.
En
opposition au réalisme naïf et au réalisme critique, l’idéalisme affirme
que l’idée d’un monde au-delà de nos représentations est une illusion.
Pour l’instrumentalisme, les lois, hypothèses et théories
scientifiques sont des instruments utiles pour ordonner et interpréter
le fouillis de nos perceptions de toutes catégories, mais elles ne sont pas des
images d’un monde en soi, et l’existence même de ce monde est sujet de
controverse.
Le philosophe Aristote, à partir
d’une vision cosmologique ordonnée et harmonieuse, distinguait quatre sortes
de causes : la cause matérielle
(caractéristique de la matière), la cause formelle(structure), la cause
efficiente (ceux qui font, qui fabriquent, qui réalisent, qui sont le moteur)
et cause finale (but personnel, fin, objectif).
Le concept de cause efficiente,
utilisé sans contestation sérieuse pendant le Moyen Âge et la Renaissance, a
été fortement contesté par le philosophe anglais David Hume.
Il note que le mot «cause» ainsi que les termes qui y sont associés
sont désespérément obscurs, confus et vagues.
Il nie la possibilité d’observer la relation de causalité car ce que
nous percevons est une série d’événements successifs ou simultanés,
mais pas la causalité de l’un sur l’autre.
Hume nous met en garde contre le
raisonnement circulaire qui explique un terme confus par un autre.
Il nie que l’existence d’une cause à un moment précis soit généralisable
dans le temps et dans toutes les conditions ainsi que la nécessité même
qu’il existe une cause. Il réfute les arguments philosophiques de Tomas Hobbes (il
faut l’intervention d’une cause pour que les objets existent en un endroit
plutôt qu’à tel autre), de Samuel Clarke (ce qui arrive doit être causé
par autre chose que lui-même) et de John Locke (ce qui est produit sans cause
est produit par rien mais rien ne peut causer).
Il considère que chacun d’entre eux adopte une présupposition erronée
à l’effet que ce qui arrive doit nécessairement avoir une cause.
En introduisant la question de contiguïté
spatio-temporelle, d’antériorité chronologique, le caractère constant
de ce rapport et le caractère proportionnel des variations réciproques
de deux éléments, Hume décrit ce que nous appelons aujourd’hui une corrélation
entre deux faits ou événements. Ces
deux événements en corrélations peuvent être causes l’un de l’autre,
mais aussi être tous deux effets d’une cause commune et inconnue.
Hume explique la croyance à
l’existence de causes par une question d’accoutumance.
Nous anticipons l’avenir comme étant semblable à nos expériences antérieures.
Le philosophe Alfred N. Whitehead
souligne que nous n’avons pas besoin d’une habitude pour reconnaître un
rapport causal lorsqu’une lumière aveuglante nous fait cligner des yeux.
Il distingue les situations d’observation visuelle et les
situations où la personne ressent les réactions de son corps.
Dans ce dernier cas, elle peut ressentir une sensation de résistance et
de dureté de la part de l’objet qu’elle soulève.
Elle peut également ressentir une sensation de poussée irrésistible
subie de la part d’agents extérieurs.
Jean Piaget s’oppose également
à la doctrine de Hume en affirmant qu’il y a une expérience authentique
de la causalité, qui consiste en l’expérience de pousser, soulever et
manipuler les objets avec efficacité, en l’expérience de la résistance
qu’opposent les choses à nos efforts ainsi qu’à l’expérience de subir
de semblables contraintes de la plupart des personnes et choses qui nous
entourent. La notion de causalité
est indissolublement liée à la construction également progressive des notions
d’objet permanent, d’espace et de temps.
Les cas d’influences causales
exercées par des agents humains sur le comportement d’autres humains passent
par des intermédiaires matériels (perceptions visuelles, auditives et
tactiles) mais sont grandement influencés par la capacité de compréhension
et la personnalité de celui qui est ciblé.
Q. V. O. Quine estime qu’on peut
parler de rapport causal quand il y a transfert d’énergie d’un objet
à un autre. Cette notion est
difficilement applicable aux relations humaines, en physique quantique et en
physique relativiste.
J. L. Mackie a proposé de définir
la cause comme un élément insuffisant mais nécessaire d’un ensemble non nécessaire
mais suffisant de conditions pour produire l’effet.
Cette définition de la cause précise celle de J. Stuart Mill, condition
à la fois nécessaire et suffisante.
Cette définition de Mackie a le mérite
incontestable d’attirer notre attention sur la multiplicité des causes
ou corrélations réelles ou possibles et leurs relations mutuelles, et
sur le fait que pointer de préférence l’une plutôt que l’autre des
multiples parties de la cause ou antécédent total et suffisant relève en
partie de l’angle de vision et des intérêts de la personne concernée.
Les
concepts de déterminisme et de hasard.
Le déterminisme affirme que le
lien entre la cause et l’effet est universel et nécessaire : dès
que la cause totale est posée, elle produit nécessairement tel effet; toute
personne bien informée du lien entre cette cause et cet effet peut prévoir
correctement l’effet et à partir de la connaissance de l’effet, reconstituer
ce qu’a été sa cause.
Le physicien et astronome Pierre
Simon de Laplace décrit le déterminisme absolu. Une chose ne peut pas commencer d’être sans une cause qui
la produise (principe de la raison suffisante).
L’état présent de l’univers est l’effet de son état antérieur
et la cause de celui qui va suivre. L’intelligence
qui connaîtrait et pourrait analyser toutes les forces dont la nature est animée
et la situation respective des êtres qui la composent n’aurait aucune
incertitude et connaîtrait l’avenir comme le passé.
Selon ce point de vue, la liberté
humaine n’est qu’une illusion. Notre
vie entière se déroule comme une sorte de destin immuable et inéluctable, déterminé
par les diverses circonstances de notre vie passée.
L’univers n’est imprévisible qu’à cause de notre ignorance.
Pendant près de deux siècles, cette opinion de Laplace a été reçue
comme un dogme par un grand nombre de scientifiques et de philosophes.
Bachelard souligne que le déterminisme
absolu présuppose un monde saturé d’objets matériels pleins, massifs,
impénétrables et contigus, de telle sorte que le déplacement d’un seule
affecte tous les autres. Il
rapporte que les déterminismes dont parle la science sont multiples, chacun
d’eux étant limité quant à l’ampleur de son expansion spatiale, linéaire
quant à la direction de son expansion, et sélectif quant aux phénomènes
qu’il affecte. Éliminer, isoler
ou maintenir constants certains paramètres permet à l’homme de rendre plus
clair et plus constant le rapport entre les variables mises en présence.
La théorie de la relativité a
bouleversé les croyances au sujet du déterminisme en affirmant que l’évaluation
des grandeurs, vitesses, directions et temps des événements, et donc aussi des
durées, trajectoires et distances, est relative à la position, la vitesse
et la direction de l’observateur, et que la masse et le volume des objets sont
fonction de leur vitesse. Le mythe
de la localisation parfaitement précise dans l’espace et le temps s’évanouit.
La mécanique quantique a mis en évidence
qu’à une très petite échelle de grandeur, la lumière se comporte tantôt
comme une onde, tantôt comme des corpuscules. L’électron est également décrit tantôt comme particule
porteuse d’une charge électrique négative tournant autour d’un noyau
central chargé positivement, mais les électrons en groupe se comportent comme
une onde.
Les électrons ne peuvent être
observés directement car la lumière nécessaire à leur observation directe
modifie leur vitesse. Une lumière
moins intense donne une image floue qui ne permet pas de bien les localiser.
Mieux nous connaissons la position d’un électron, moins nous
connaissons sa vitesse; et mieux nous connaissons cette dernière, mois nous
connaissons sa position.
Jacques Monod affirme qu’au
niveau microscopique, c’est le hasard «essentiel» qui règne.
Heisenberg considère que ce problème est insoluble, indécidable (indéterminisme
méthodologique).
Le terme «hasard» désigne
parfois des événements imprévisibles parce que dénués de cause.
Parfois aussi, il désigne cette absence de cause en elle-même ou en
d’autres termes le chaos qui serait immanent à l’univers.
Enfin, il désigne parfois, aussi l’ignorance des causes qui
provoquent notre incapacité à prévoir un événement.
Pour Aristote, le hasard est l’ensemble
indéfini des causes par accident d’un événement exceptionnel qui
n’est pas la fin naturelle ou délibérément choisie des actions qui l’ont
produit, mais qui se substitue à cette fin ou s’y ajoute.
Quand certaines de ces causes immédiates sont des humains agissant à la
suite d’un choix délibéré, alors on parle de fortune et d’effets de
fortune. Un observateur au courant
des causes pourrait prévoir l’événement.
Pour Cournot, l’idée du hasard
est l’idée de rencontre entre des faits rationnellement indépendants les uns
des autres, rencontre qui n’est elle-même qu’un pur fait, auquel on ne peut
assigner de loi ni de raison. Les
événements amenés par la combinaison ou la rencontre d’autres événements
qui appartiennent à des séries indépendantes les unes des autres sont ce que
qu’on nomme des événements fortuits, ou des résultats du hasard.
Au lieu d’appliquer, comme Aristote, le terme «hasard» aux causes, il
l’applique plutôt aux effets.
Pour Cournot, une série causale
est une série linéaire indéfinie, dont chaque membre est l’effet du membre
précédent et cause du suivant. Un
grand nombre de telles séries existent simultanément et il leur arrive de se
croiser et concourir ainsi à la production d’un même effet (solidaires), il
leur arrive de rester tout à fait séparées et indépendantes (parallèles ou
consécutives). La nature est pour
Cournot un ensemble où tout n’est pas également inter relié.
Synthèse
Les
auteurs de ce texte abordent les concepts de vérité, de cause, de déterminisme
et de hasard tour à tour selon une perspective classique ou contemporaine,
accompagnant le lecteur dans une démarche historique qui permet de mettre en
lumière progressivement les principales critiques qui ont façonné les définitions
actuelles de ces concepts.
À
travers l’histoire, les instruments philosophiques associés à l’épistémologie
ont évolués à partir d’observations et de métaphores vers l’application
des découvertes scientifiques au domaine de la pensée. Malgré la logique apparente de nos raisonnements et l’évidence
trompeuse que nous apportent nos perceptions, nous devons nous méfier de la
facilité dans notre quête de sens. Les
présuppositions sont inévitables. Chercher
une explication, c’est chercher des causes et cela suppose que ces dernières
existent. Écrire un texte sur
la quête du sens, la vérité, les relations causales et le déterminisme présuppose
qu’il est possible de mieux comprendre ces concepts.
Le penseur moderne nuance ses
propos et leur étendue en tenant compte des limites des moyens à sa
disposition. Les questions épistémologiques
sont loin d’être résolues. Nous
sommes limités à tendre vers un absolu inaccessible.
Notre démarche ne peut fournir une confirmation ou une réfutation définitive
de nos hypothèses. Les lacunes,
obscurités et imprécisions des théories actuelles continueront à soulever
des questions et des doutes.
Notre expérience limitée des événements observables nous laisse avec la frustration de notre condition humaine imparfaite aspirant à l’omniscience et à l’omnipotence.
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Au
sujet de l'épistémologie de la maladie mentale
Reznek,
Lawrie (1998). On the epistemology
of mental illness. Publicazioni
Della Stazion Zoologica diNapoli. Section
II: History and Philosophy of the life sciences, 20 (2), 15-31.
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La
difficulté de déceler la simulation en psychiatrie ébranle son
fondement même et la fait paraître une imposture.
Comment bâtir un ensemble de connaissance au sujet de quelque chose que l’on
ne peut même pas reconnaître lorsqu’il se produit?
Contrairement
aux autres domaines médicaux, il n’y a pas de façon objective de
confirmer le diagnostic psychiatrique qui est basé sur des plaintes purement
subjectives. Nous sommes face à un
problème épistémologique fondamental car il y a un vide logique entre la description
subjective de symptômes et l’attribution d’un désordre objectif.
L’épistémologie
a développé des stratégies pour surmonter ce type de vide logique.
Comment savoir par exemple que la conscience ou la douleur existe?
La
première de ces stratégies est le réductionnisme.
Le truc est simplement de définir la conscience ou la douleur en terme
de ses manifestations behaviorales.
Le comportement est directement observable et donc, nous pouvons sont
conscients simplement en observant leur comportement.
S’ils grimacent, se débattent, etc. : ils on mal.
Le réductionnisme essaie d’éviter le problème de l’inférence
d’un état mental de conscience ou de douleur en réduisant les événements
mentaux aux comportements et en éliminent le problème par la définition
sous forme de behaviorisme philosophique. Cette
solution ne tient pas compte que la douleur est différente du comportement
associé à la douleur.
La
seconde approche est d’argumenter par analogie.
Cette approche accepte qu’il y ait un vide épistémologique entre le
comportement et la conscience, sachant que ce n’est pas parce que la personne
se comporte d’une telle façon qu’elle est nécessairement dans tel état
mental. Nous pouvons néanmoins
obtenir des évidences inductives en produisant un argument inductif basé
sur notre propre expérience. Nous
savons que lorsque nous grimaçons, nous avons mal.
De ce cas, nous pouvons raisonner que les autres ont aussi mal
lorsqu’ils grimacent. Les
arguments inductifs basés sur un seul cas sont particulièrement faibles.
La
troisième approche est celle de Kant ou de Wittgenstein.
Il est alors présenté comme une vérité nécessaire que
l’expression de la souffrance soit associée à la douleur.
Wittgenstein argumente que la signification d'un mot tel que «douleur»
est logiquement liée aux signes de la douleur tels que les grimaces.
De tels signes sont reconnus comme des critères.
À cause de cette signification, nous pouvons inférer (déduire) que
quelqu’un a mal quand il grimace. Nous
devons toutefois nous demander si les critères de douleur ou de conscience sont
les mêmes pour tous les êtres humains et trouver encore une fois ces
arguments faibles.
La
quatrième approche est l’approche scientifique.
L’essence de la science est l’utilisation de la méthode hypothético-déductive.
Elle postule l’existence de certaines entités théoriques pour
expliquer un phénomène observable. Nous
pouvons postuler l’existence d’événements mentaux qui sont les entités théoriques
nécessaires à l’explication du comportement des autres.
Sans elles, nous ne pouvons pas faire du sens de leur comportement.
Ce pouvoir explicatif fournit une évidence de leur existence.
Cela semble l’approche la plus raisonnable.
Cette
constatation n’a pas empêché le réductionnisme d’être florissant.
Le «Diagnostic ans Statistical Manuel (DSM) de l’American Psychiatric
Association, maintenant dans sa quatrième édition, est basé sur les principes
réductionnistes. Il fournit une
liste de symptômes qui amène à la formulation d’un diagnostic
lorsqu’un nombre suffisant d’entre eux sont énoncés.
Les
maladies sont supposées expliquer les signes et les symptômes par
lesquels elles sont reconnues, et non être définies par elles.
Une fois qu’elles sont définies par ces symptômes, nous ne pouvons
pas utiliser la maladie comme une hypothèse explicative.
Définir
la maladie de cette façon ne tient pas compte des connaissances que nous avons
à l’effet que certaines maladies en imitent d’autres (dépression et
hypothyroidisme). En définissant
une maladie par ses symptômes, cela enlève la nécessité de poursuive nos
recherches pour mieux la comprendre. Nous
nous retrouvons à nouveau devant un vide.
C’est la nature sous-jacente des symptômes qui définissent la
maladie, et non l’accumulation des symptômes eux-mêmes.
Si un désordre psychiatrique a une nature biologique ou psychologique
sous-jacente, il y a un vide entre la collection de symptômes et le désordre
psychiatrique qui est supposé l’expliquer.
Le
point de vue analogique ne pourrait être utile que si nous avions nous-mêmes
un trouble psychiatrique. Cela
pose deux problèmes. Cela voudrait
dire que nous devons souffrir de tous les problèmes psychiatriques pour
travailler en psychiatrie. De plus
nous avons déjà établi que la généralisation à partir d’une expérience
personnelle est un argument plutôt faible.
L’approche
de Kant ou de Wittgenstein n’a jamais sérieusement été utilisé en
psychiatrie. Nous ne pouvons pas définir
(même avec des critères) une maladie par la liste de symptômes qu’elle
cause. À mesure que nos
connaissances évoluent, nous procédons sans cesse à des reclassifications,
découvrons que certaines maladies sont une sous-variété d’une autre,
etc. La recherche de la nature sous-jacente des choses est indispensable si nous
voulons la comprendre.
Nous
nous retrouvons avec l’approche scientifique. Cela confirme qu’il y a ici un problème épistémologique.
Il y a un vide logique entre les symptômes subjectifs et les diagnostics
psychiatriques objectifs. Nous
ignorons toujours la nature biologique des désordres psychiatriques tels que la
dépression, la paranoïa, la schizophrénie, le trouble panique.
Et cela rend difficile sinon impossible de savoir si quelqu’un a
vraiment ce désordre ou s’il le simule.
Est-ce que l’approche scientifique peut résoudre ce problème épistémologique?
L’auteur
explique que compte tenu de notre incapacité à différencier une simulation
d’une maladie, il nous est même impossible d’établir par la recherche
des critères de différenciation. Nous
sommes incapables d’établir ces groupes de comparaison parce que nous ne
pouvons être certains que le groupe de comparaison est vraiment constitué
de malades plutôt que des simulateurs.
En
1973, Rosenhan et sept de ses collègues de l’Université de Stanford se sont
présenté à 12 hôpitaux psychiatriques en se plaignant d’entendre des voix.
Ils se sont comportés par la suite de façon normale et honnête.
Ils ont tous été admis à l’hôpital et diagnostiqué comme souffrant
de schizophrénie. Hospitalisés en
moyenne 53 jours, leurs comportements ont été interprétés comme concordant
avec le diagnostic. L’hôpital
est un environnement particulier au sein duquel le comportement peut facilement
être mal compris.
L’auteur
développe l’exemple de la réalité d’une hallucination.
Comment savoir si la personne hallucine vraiment?
L’expérience clinique nous apprend que certaines personnes parlent
d’utilisation dans un contexte où on peut faire l’hypothèse qu’elles ont
besoin qu’on s’occupe d’elles ou qu’elles tentent d’éviter une
condamnation légale en étant déclaré malade.
La réaction émotive ne correspond pas toujours à ce qu’on
pourrait s’attendre de quelqu’un qui voit des choses horribles.
Est-il
possible de sortir de ce dilemme en formulant des hypothèses explicatives du
comportement et en retenant celle qui semble le mieux expliquer ce que nous
observons? Nous nous retrouvons
alors face au dilemme de Davidson qui affirme que pour comprendre le
comportement de quelqu’un, nous devons assumer qu’il est guidé par des
croyances et des désirs. Nous
ne pouvons comprendre ses croyances que si nous assumons que son comportement
est rationnel, c’est à dire au moins qu’il agit de la façon
qu’il croit la plus efficace pour atteindre ses buts.
Cela amène l’auteur à conclure que nous ne pouvons découvrir
qu’une personne pense d’une façon complètement erronée au sujet de ses
croyances. Nous ne pouvons que conclure que nous ne comprenons pas son
comportement et son langage.
Il
suggère par la suite qu’en acceptant d’établir un terrain d’entente où
nous pouvons constater que la plupart des croyances du patient sont exactes,
nous pouvons identifier que certaines d’entre elles sont fausses.
Il est impossible d’être certain de l’ampleur des idées fausse de
quelqu’un si nous ne sommes pas certains de l’avoir compris.
Il est logiquement impossible qu’un patient nous trompe sur tout ou
même sur une majorité de choses. Il
est toutefois possible qu’il le fasse dans le domaine limité de la maladie.
Nous ne pouvons même pas être certains que tout le monde ne nous
trompe pas au sujet de leur état mental.
Nous
ne pouvons comprendre l'autre qu’en essayant d’expliquer son comportement
par un certain nombre de suppositions.
Une de ces suppositions est le principe de Charité :
De prime abord la personne nous dit la vérité.
Un autre est le principe d’Humanité :
Les autres ont à peu près les mêmes désirs et besoins que nous.
Nous
établissons une série d’hypothèses, nous identifions les comportements
irrationnels et recherchons les meilleures explications à leur sujet, cohérentes
avec nos connaissances en anthropologie, en psychologie, en sémiotiques, en
psychopathologie, en behaviorisme, en anatomie pathologique, en ethnométhodologie,
en sociobiologie. La concordance
de données interdisciplinaires nous rapproche de la solution.
Nous n’aurons pas de preuve mais de bonnes hypothèses.
G.
Hay rapporte que la simulation peut se retrouver aux premières étapes
d’une maladie véritable. H. Pope
rapporte que certaines pathologies comprennent un part de simulation et
ont un pronostic encore plus négatif que les malades qu’ils imitent.
La
cohérence d’explications identiques provenant de sources différentes
et de champs de connaissances différents a tellement peut de chance de se
produire par hasard que cela suggère que l’hypothèse formulée soit
probablement vraie.
L’auteur
termine en invitant le lecteur à remettre en question ses croyances au sujet de
l’existence de la maladie. L’hystérie
est prise en exemple. Il suggère
que dans quelques années, nous aurons peut-être démontré scientifiquement
que certaines maladies telles que la dépression n’existent tout
simplement pas.
Synthèse
L’auteur
établit dès le début que l’évaluation psychiatrique présuppose que le
patient présente une souffrance et une plainte réelle et qu’il dit la vérité,
en autant que son état le lui permet. Cette
présupposition sème le doute sur la qualité des connaissances accumulées ce
domaine.
Quelles
stratégies utilisent l’épistémologie pour tenir compte du gouffre existant
entre la description subjective de symptômes et l’attribution objective
d’un diagnostic psychiatrique? Le
réductionnisme définit la maladie en terme de ses manifestations behaviorales,
sans tenir compte du fait que la maladie est différente du comportement associé
à la maladie. L’argumentation
par analogie produit un argument inductif basé sur notre propre et seule expérience,
celui qui amène des arguments inductifs particulièrement faibles.
L’approche de Kant ou de Wittgenstein considère comme une vérité nécessaire
que les critères de l’expression de la maladie soit associée à la maladie,
sans se demander si les critères sont les mêmes pour tous.
L’approche scientifique utilise la méthode hypothético-déductive et
postule l’existence de certaines entités théoriques pour expliquer un phénomène
observable. Son utilisation n’est
pas simple dans un domaine aussi complexe que la compréhension du monde d’un
autre mais elle s’avère la voie la plus raisonnable.
Nous
devons prendre garde au raisonnement circulaire qui définit des termes vagues
par d’autres termes vagues et qui justifient son action par des présuppositions
qui ne sont pas elle-mêmes justifiées.
L’auteur
suggère de recourir à une étude interdisciplinaire de la problématique.
La cohérence d’explications identiques provenant de sources différentes
et de champs de connaissances différents a tellement peut de chance de se
produire par hasard que cela suggère que l’hypothèse formulée soit
probablement vraie.
L’évolution
des connaissances ne peut se faire qu’au prix d’une grande rigueur et
d’une volonté de remettre en question les préjugés et les croyances
injustifiées.
Définitions de la santé mentale
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Références
O’Neil,
Johen Allison (2001). Épistémologie. Chapitre 59 dans P. Lalonde, J. Aubut , F. Grunberg et collaborateurs (Eds) : Psychiatrie
clinique : une approche bio-psycho-sociale, Tome II, Spécialités,
traitements, sciences fondamentales et sujets d’intérêt.
Boucherville : Gaetan Morin éditeur.
p. 1468-1483. ISBN
2-89105-751-1.
Fortin,
B. (1987). Ma santé mentale. The Canadian Nurse/L'Infirmière Canadienne, 83(5),
35. ISSN 0008-4581
Marie-Cardine,
Michel, Terra, Jean-Louis, Chambon, Olivier, Franck, Nicolas et Guyotat, Jean
(2001). Articulation de la psychothérapie
et de la chimiothérapie en psychiatrie : Évolution des idées.
Revue québécoise de psychologie, 22, 2, 121-148.
ISSN 0225-9885
*************************************************