Cours no 4: Éthique et déontologie interdisciplinaire

Porter un jugement de valeur sur l’intervention

 

 

Le mot «éthique» signifie science de la morale, art de diriger sa conduite. Il s'agit d'une branche de la philosophie définissant les comportements moralement acceptables. L'éthique peut fortement varier en fonction des valeurs et de la culture. 

 

·          Le principe de bienfaisance et non malfaisance

·          Le principe de respect de l’autonomie de la personne et de son droit à l’auto-détermination

·         Le principe de justice distributive (répartir les services équitablement compte tenu des ressources limitées)

 

 

Le terme «déontologie» signifie théorie des devoirs, en morale. La déontologie est l'application de l'éthique sous forme d'obligations auxquelles doivent se soumettre les membres du groupe. 

 

 

Covey, Merrill et Merril (1995) présentent un résumé des Lois fondamentales de la vie qui seraient communes à toutes les civilisations :

§  Ne trichez pas.

§  Ne mentez pas.

§  Ne volez pas.

§  Traitez les gens avec respect.

 

Ils suggèrent de satisfaire les quatre classes de besoins de l’être humain (physiques, sociaux, intellectuels et spirituels) et l’épanouissement des quatre capacités qu’ils représentent (vivre, aimer, apprendre et transmettre).  Ils suggèrent également le développement de quatre talents qui nous aideront à nous orienter : 1) la conscience de soi, 2) la conscience morale, 3) la volonté indépendante et 4) l’imagination créative.  

 

 

La confidentialité

 

L'intervenant en santé mentale est tenu de garder le secret professionnel.  Le respect de la confidentialité garantit la qualité du service et le maintien de la relation.  C'est souvent  l'élément déterminant: le patient consulte un intervenant en santé mentale parce qu'il n'oserait pas parler de ce qu'il vit avec quelqu'un qui risquerait de le raconter.

 

Le patient nous confie ses secrets et son histoire dans le contexte d'une entente de traitement.  Lui seul peut décider de nous permettre de les confier à un tiers.  C'est la loi.  L'entente initiale doit donc spécifier à qui l'intervenant confie ses  secrets.  Une consultation en milieu hospitalier ou dans un CLSC donne à l'équipe soignante accès à ces données.  Le patient doit s'attendre à ce qu'il y ait discussion à son sujet entre les membres du personnel de l'établissement.  Mais aucune information ne devrait sortir de l'institution sans son consentement.

 

Attention aux discussions d'équipe qui se poursuivent dans le couloir, dans l'ascenseur, à la cantine.  Il y a trop d'histoires navrantes où le patient ou un tiers (un ami, un voisin, un membre de la famille) entend des professionnels discuter en public d'un sujet confidentiel.  Ne vous fiez pas au fait que vous ne nommez personne.  Un nom ou un prénom est vite échappé.

 

Nous vivons toutefois dans une société qui a décidé de faire passer le bien-être de ses enfants avant le respect de la confidentialité.  Tous les intervenants ont  l'obligation de signaler à la Protection de la jeunesse les situations où un enfant ne reçoit pas les soins appropriés, où il est exploité sexuellement ou victime de mauvais traitements physiques.

 

Mathieu prend la confidentialité à coeur.  Si l'épouse ou la mère d'un client téléphone pour savoir s'il s'est présenté à son rendez-vous, il va jusqu'à refuser de dire s'il connaît la personne en question.  Lorsqu'un organisme lui téléphone, il refuse également de donner quelque information que ce soit sans  l'autorisation écrite du client.


 

Mathieu ne va pas trop loin, mais la pratique courante en santé mentale demande parfois une attitude un peu plus souple.  Le client qui nous confie son histoire et ses secrets nous prête la clé de sa maison.  Elle continue de lui appartenir.  Lui seul peut nous autoriser à y laisser entrer quelqu'un d'autre.  Il importe donc d'obtenir son autorisation avant de divulguer quoi que ce soit hors de l'équipe soignante à laquelle il sait que nous appartenons.  La demande d'autorisation est étroitement associée au consentement éclairé qu'il doit nous donner afin d'obtenir les soins.  En demandant son autorisation, nous lui témoignons du respect et nous lui reconnaissons le contrôle de sa vie.  C'est un petit surplus de travail et de temps qui en vaut la peine.

 

 

Les conflits d'intérêts

 

Ce n'est pas une bonne idée d'acheter le coffre à outils, l'automobile ou la maison de votre patient en dépression profonde qui se débarrasse de ses biens à bas prix.  Êtes-vous alors à son service ou au vôtre?  L'intervenant en santé mentale évitera tout ce qui peut sembler compromettre sa position d'aidant.  Pour cette raison, il ne vendra pas non plus ses biens à un client qui risque d'être sans défense devant sa position d'autorité.

 

Denise travaille en milieu communautaire.  Elle pense que l'intervenant en santé mentale doit s'engager et fait régulièrement des visites à domicile, dans des groupes d'entraide et des soupers communautaires.  Elle devient vite très populaire et fréquente ces mêmes endroits en soirée.  Elle en vient à aider certains démunis à se sentir plus utiles en leur faisant faire certaines tâches domestiques et certains petits travaux de rénovation.  Cela lui permet de terminer l'aménagement du bureau personnel où elle reçoit certaines personnes en détresse gratuitement.  Certains clients doivent payer leur psychothérapie en lui rendant des services :  taper ses travaux et ses publications, garder sa fille ou la conduire à des activités.

 

Malgré ses bonnes intentions, Denise se met dans une situation délicate en ayant des relations d'affaires avec ses clients.  On pourrait se demander si elle tire un profit excessif de leur travail.  La situation serait moins problématique si les échanges de services se déroulaient au sein d'un organisme non lucratif constitué légalement.  Il y aurait alors un conseil d'administration indépendant qui veillerait à ce que l'argent ne serve pas pour la satisfaction exclusive d'une personne.

 

L'absence de frontière entre la vie personnelle de Denise et sa vie professionnelle la rend plus vulnérable à l'épuisement professionnel.  Cela pose également la question des conflits d'intérêts.  Quand Denise est-elle au service des clients et quand est-elle à la recherche de la satisfaction de ses besoins?  Sera-t-elle tentée d'utiliser la relation privilégiée avec une de ses clientes pour l'amener, contre son gré, par des pressions subtiles, à garder sa fille un samedi soir où elle veut sortir?  Les personnes qui demandent l'aide d'un intervenant en santé mentale sont vulnérables.  Elles risquent d'avoir de la difficulté à lui dire non.   L'absence de cadre définissant la relation thérapeutique risque de créer de la confusion dans leurs attentes.  Denise joue-t-elle le rôle d'intervenant, d'employeur, d'ami?  Sera-t-elle toujours là si les patients ont besoin d'elle?  Est-elle à leur service?  Sont-ils à son service?  La situation n'est pas claire.

 

 

Les conflits de rôles

 

Vous avez été engagé en relation d'aide par une entreprise.  Un peu plus tard, la même compagnie veut vous engager dans la sélection des candidats à un poste de cadre.  Vous en avez suivi plusieurs en psychothérapie.  Certains sont toxicomanes, d'autres détestent le président de la compagnie.  Pouvez-vous utiliser les confidences qu'ils vous ont faites de bonne foi alors qu'ils vous consultaient en tant qu'intervenant en santé mentale?  Ce serait un manquement à l'éthique.  Vous occupez maintenant une autre fonction.  Ils ne se seraient pas confiés à vous si vous aviez représenté l'organisation.  Ne vous mettez pas en situation de conflit de rôles.

 

La fausse représentation

 

Il est étonnant de constater que moins l'intervenant en santé mentale a d'expérience, plus il revendique d'expertises dans différents domaines.  Il est, certes, difficile de  recruter une clientèle, mais prenez garde à ne pas sombrer dans la fausse représentation.  Ne faites pas de publicité trompeuse ou prêtant à confusion par omission.  N'exagérez pas votre compétence ou l'efficacité de vos services.  Assurez-vous que vos services sont conformes à la publicité.

 

La compétence

 

Certains intervenants en santé mentale excellent  auprès des adultes, mais n'ont aucune compétence avec de jeunes enfants.  D'autres sont excellents dans une approche à court terme, mais n'ont aucune formation pour travailler à long terme.  Vous pouvez faire d'excellentes évaluations psychologiques pour l'école et être complètement incapable d'en faire une pour la cour.

 

Les temps sont durs, l'argent, difficile à gagner.  Le client a toutefois le droit de faire affaire avec une personne compétente.  Prenez soin de vous former suffisamment avant de modifier votre champ d'expertise.

 

 

Les relations intimes

 

Évitez les situations qui risquent d'être nuisibles au client.  Les relations sexuelles entre intervenants en santé mentale et clients en sont un exemple largement publicisé.  

 

Zoé a un bureau privé où elle organise, les fins de semaine, des groupes de psychothérapie.  Elle en profite pour choisir, parmi les participants, un homme qui lui plaît.  Elle l'entraîne dans sa vie pour quelque temps, partageant avec lui toutes sortes d'activités sociales, culturelles et sexuelles.  Interrogée sur son comportement, elle affirme qu'il s'agit de relations normales entre adultes consentants.  Elle trouve ceux qui la critiquent rigides et frustrés sexuellement.  

 

 

Pourquoi l'éthique et la déontologie condamnent-elles des relations sexuelles entre adultes consentants?  Est-ce une règle morale dépassée?   La relation entre l'intervenant en santé mentale et sa cliente est par définition inégale.  La cliente consulte dans un moment de vulnérabilité.  L'intervenant a un certain prestige et un certain pouvoir.  Il y a risque d'abus de pouvoir quand l'intervenant cesse d'être au service de sa cliente pour satisfaire ses besoins.  Il perd l'objectivité nécessaire à une bonne évaluation de la situation.  Le client n'a plus de thérapeute.  Il risque un accroissement de sa douleur, de la confusion, et le recours ultérieur à un autre intervenant sera plus compliqué.  

 

Dans ce genre de situation, les intervenants ont souvent recours à des rationalisations: ce serait pour le bien de la cliente, elle aurait la liberté d'accepter ou de refuser, ou elle serait pleinement consentante.  L'intervenant risque toutefois d'être idéalisé dans cette relation.  Il devrait le savoir.  Qu'il ne puisse s'empêcher de passer à l'acte est révélateur de problèmes personnels, bien plus que d'un désir réel d'établir une relation intime.

 

Ces écarts risquent aussi d'exacerber les problèmes relationnels de personnes qui ont déjà été victimes d'abus sexuels ou d'inceste.  Ils renforcent malheureusement le lien qu'elles ont pu établir entre intimité et sexualité, ou entre sexualité et abus du partenaire.

 

Le message clair

Le message-je: Parler de soi et parler de souhaits

Préparer à l'action

Dire non

Exprimer des sentiments négatifs et demander un changement de comportement

 


 

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