L'isolement
Réflexions autour des définitions (Le Petit Larousse Illustré, 1996, p. 567) :
État d’une habitation, d’un lieu écarté. L’isolement d’un village. Si c’est une personne qui a été «écartée», mise hors de la carte, nous parlerons d’exclusion.
État de quelqu’un qui est isolé. L’isolement d’un prisonnier. Encore cette idée de châtiment. Ce genre d’isolement est associé à un jugement sur la personne : elle a mal agi et doit être punie et/ou est dangereuse pour la société qui se protège en l’excluant. L’isolement prend ici un sens péjoratif.
État de quelqu’un qui est moralement seul. C’est donc aussi un état subjectif. On peut se sentir isolé dans la foule... On voit aussi le lien entre la solitude et l’isolement. L’isolement est une solitude morale. La personne qui souffre d’isolement se sent seule «dans sa tête et dans son coeur».
État d’un pays, d’une région sans relation politique ou économique, sans engagement avec les autres. La notion d’engagement émerge. Combattre l’isolement, c’est créer des liens, s’engager...
État d’un corps isolé du point de vue électrique, calorifique ou phonique; isolation. L’isolement, c’est donc aussi être privé de l’énergie, de la chaleur et de la parole des autres. De leurs conseils, de leurs remises en question et de leurs influences positives.
Mesure thérapeutique qui vise à soustraire le sujet de son milieu familial et social. Temporairement... car il faudra travailler énergiquement pour améliorer les relations de la personne souffrante avec son milieu familial et social. L’isolement temporaire pourrait donc être bénéfique, une façon de se retrouver, de reprendre le contrôle de soi, de prendre une distance de ses habitudes, des règles de vies acquises, des pressions de l’environnement, de la stimulation trop forte... L’isolement peut être une façon de créer un espace de réflexion et de choix.
Comment savoir si l’isolement est bénéfique ou nuisible?
L'isolement peut apporter un soulagement temporaire. Un individu vient de se séparer, de perdre un emploi ou d'apprendre qu'il a une maladie. Il trouve ardu de constamment négocier avec son entourage. Il est tenté de tout faire seul. Qu'il s'isole temporairement pour reprendre ses forces n'est pas négatif en soi. Après un certain temps, s’il constate qu'au lieu de s'améliorer, son état se détériore, c'est le signal que son isolement se retourne contre lui. La solitude prive de l'occasion de satisfaire nos besoins, de se nourrir émotionnellement, d'obtenir le soutien et l'encouragement de son entourage qui, par leur rétroaction, aideront à nuancer nos pensées.
Avoir des amis est une nécessité. L'amitié aide à répondre à ses besoins, à se nourrir émotionnellement. L'énergie investie auprès des amis est rendue au centuple si on prend soin de fréquenter des personnes saines qui ne font pas que prendre, mais savent aussi donner.
Il existe plusieurs styles d'amitié. Certains se feront un plaisir de jouer aux quilles avec nous, de nous inviter à nous baigner dans leur piscine, de jouer aux cartes, mais se sauveront à toutes jambes dès qu'il sera question de maladie ou de souffrance. D'autres seront des confidents fiables et compréhensifs, mais fuiront si on leur demande d'aider à peindre un appartement. Les gens peuvent avoir un réseau de connaissances, d'amis et d'intimes très varié, qu'ils utiliseront de façon tout aussi variée.
Certains croient que la meilleure stratégie est de couper tous les ponts. Cette position peut les soulager à court terme, mais les rend plus vulnérables à long terme en se privant du feed-back et du support des autres.
Maintenez vos amitiés bien vivantes. Il vaut la peine de garder les voies de communication ouvertes, même quand le temps nous manque ou que l'énergie à consacrer à notre jardin relationnel fait défaut. Il suffit parfois d'un appel, d'une carte, d'une lettre, d'une courte visite pour garder la porte ouverte. Cette porte pourrait être importante plus tard, lorsque nous redeviendrons disponibles.
Les liens subjectifs que l’on porte en soi, la conviction que certaines personnes seront là si nous en avons besoin, sont un des facteurs déterminants lorsque vient le temps d’affronter les difficultés. Et cela même si nous ne vérifions jamais cette conviction. Notre inclusion dans l’espèce humaine passe par l’existence de liens significatifs : certaines personnes nous connaissent, tiennent à nous, sont concernées par ce qui nous arrivent. Et nous sommes reliés à des gens que nous connaissons. Nous tenons à eux. Nous sommes concernés par ce qui leur arrive. Le temps que l’on se consacre tisse ces liens. L’existence de liens significatifs dans notre passé nous aidera à croire que de tels liens sont possibles et que nous sommes dignes d’en profiter et capable d’en établir.
Psychologue en milieu hospitalier depuis plus de 35 ans, Bruno Fortin s'intéresse particulièrement aux stratégies d'adaptation face aux situations stressantes de la vie. Il a une vaste expérience d'enseignant et d'animateur d'ateliers. Il est l'auteur et le coauteur de nombreux ouvrages dont Comment améliorer votre médecin? aux Éditions Fides.
Janvier 2020, © Bruno Fortin, psychologue. Tous droits réservés.