Fortin,
Bruno (2002). Convaincre
et persuader : des outils utiles et légitimes en travail social.
Les Cahiers de l'Actif.
Janvier/Février 2002, no 308/309, 151-162.
Actif Information, 259, avenue de Melgueil, B.P.3 - 34280 La Grande
Motte, France. Courriel : info@actif-online.com, Site web :
http://www.actif-online.com
Introduction
Les
travailleurs sociaux règlent quotidiennement de problèmes complexes dont la
solution nécessite de collaborer avec autrui.
·
Un médecin vous demande de trouver une ressource d’hébergement
pour une personne âgée. Il
souhaite libérer un lit le plus rapidement possible.
·
Vous rencontrez des parents suite à un signalement à
la protection jeunesse. Ils sont
convaincus que leurs techniques éducatives sont adéquates.
L’équipe d’évaluation n’est
pas du même avis.
·
Vous souhaitez convaincre un médecin de continuer à
s’occuper d’un patient désagréable qui a l’habitude de s’opposer au
plan de traitement et de cesser médication et visites aux institutions.
·
Vous informez le juge des besoins d’un itinérant référé
au curateur public.
·
Vous souhaitez contribuer à une répartition des tâches
équitable au sein de votre équipe de travail.
Que
ce soit en contexte d’autorité ou non, les différents acteurs en jeux ont
des pouvoirs et des points de vue différents.
Faut-il se soumettre aux exigences d’autrui?
Faut-il utiliser son pouvoir pour imposer sa solution et son point de vue
sans respect envers les clients, les collègues, les supérieurs et les
collaborateurs? Faut-il être en
priorité au service de l’institution? Du
client? De soi-même?
Nous verrons que convaincre est une entreprise complexe qui puis dans
l’ensemble de nos ressources et de nos habiletés en explorant l’art de la
persuasion dans une demande d’hébergement, dans un refus d’hébergement et
dans une présentation à une équipe interdisciplinaire.
Devant
prendre une position sur un sujet sur lequel des personnes raisonnables peuvent
être en désaccord, l’intervenant social devra présenter des arguments basés
sur des connaissances mais également façonnées par des composantes émotives.
Certains
persuadent les autres à travers des stratégies d’intimidation. Les intervenants psychosociaux ne visent pas seulement à
convaincre : ils souhaitent tout autant la construction et le maintien de
relations harmonieuses et efficaces et d’un sentiment de partenariat avec
autrui. La persuasion doit alors être
atteinte d’une façon amicale et positive.
Le
travailleur social se retrouve souvent au sein d’équipes interdisciplinaires
où le partage respectueux du pouvoir et la reconnaissance des compétences réciproques
sont menacés par les contraintes budgétaires, les conflits de besoins et les
agendas personnels cachés. L’argumentation
est inévitablement associée à l’éthique : il prendra position en
tenant compte des effets de son appartenance à une communauté, à une
institution et à une discipline.
Son désir de favoriser l’appropriation de son
pouvoir (empowerment) chez le client et de jouer son rôle de représentation (advocacy)
sera satisfait dans la mesure où il pourra influencer positivement le cours des
événements, dans la direction que le client ou ses représentants le
souhaiteraient s’ils avaient l’information et la formation pertinente.
La capacité d’amener autrui à changer d’idée, à modifier ses
intentions, à transformer son comportement est au cœur de la capacité
d’atteindre des buts professionnels. L’intervenant
psychosocial a non seulement un pouvoir d’influence, mais un devoir
d’influence. Comme le souligne
Barilan et Wintraub (2001) et Varga (2001), cela serait aussi immoral de ne pas
tenter de persuader un client de faire ce qui est bon pour lui que de ne pas
respecter sa décision une fois ces arguments présentés.
Cela serait trahir la confiance de ses clients de ne pas défendre leurs
intérêts auprès des intervenants et des institutions avec lesquelles le
travailleur social collabore.
Le
pouvoir de convaincre et de persuader a souvent été associé à la vente et à
la recherche subséquente de gains financiers.
Cela serait une erreur de croire que ces stratégies ne s’utilisent que
dans ce contexte. Davidhizar et
Eshleman (1999) soulignent que Martin Luther King, Mère Thérésa, et Mahatma
Gandhi ont influencé des milliers de personnes sans être dans le domaine de la
vente. Ils ont influencé les
autres en fournissant un rêve qui a touché le cœur et l’esprit des gens. Ils ont créé des images puissantes qui ont motivé des générations
d’êtres humains à modifier leur destin.
Des
tactiques différentes d’influence seront utilisées selon le statut des
personnes en interaction. Les stratégies
ne seront pas les mêmes selon que l’on souhaite convaincre un pair, un supérieur
hiérarchique ou un subordonné. L’efficacité
de la persuasion dépendra des individus impliqués, des tactiques utilisées et
de la crédibilité établie.
Pour
convaincre et persuader, le travailleur social peut modifier les connaissances
d’une personne, ses perceptions et ses attentes.
En recourant à l’information, aux suggestions, au raisonnement ou aux
encouragements directs, il influencera les sentiments, les croyances, les
attitudes, les valeurs, les intentions et la façon d’agir.
L’enfant
devient persuadé qu’il est possible de faire certaines choses en observant
les adultes autour de lui : ses modèles le convainquent qu’il est
possible d’aller à bicyclette, de nager, de patiner.
Ils peuvent également lui apprendre qu’il est possible de régler des
conflits par les échanges verbaux, qu’il est souhaitable de tolérer les
frustrations pour atteindre ses objectifs et que plutôt que de choisir la
passivité, il vaut mieux être affirmatif et convaincant.
En considérant le subtil art de la persuasion comme une habileté que
l’on apprend, le travailleur social augmente ses chances de le développer.
Observer un collègue habile à la résolution de problème peut
l’aider à développer ses habiletés dans ce domaine.
Faut-il
hurler pour convaincre? Persuader
est-il une question de porte voix et de coup de massue?
D’agitation? Rappelez-vous
une rencontre familiale tumultueuse où un ouragan émotionnel semble empêcher
toute amélioration de la situation. La
capacité de persévérer et de communiquer sereinement favorise un retour au
calme permettant la résolution des problèmes et l’atteinte d’un nouvel équilibre.
Face à la rancœur, à l’incompréhension, aux forces de dissolution
et aux complots, Varga (2000) suggère d’opposer la préservation de la
raison, de la persévérance et de la dignité. L’intervenant psychosocial est
un modèle pour ses clients. Il
l’est également pour ses pairs.
Davidhizar
(2000) souligne l’importance d’établir une relation positive avec ceux que
l’on souhaite convaincre. La
politesse, les sourires, les comportements amicaux et agréables faciliteront
l’établissement d’un rapport productif, tout comme l’humour approprié et
les anecdotes évoquant des expériences personnelles.
Cialdini
(2001) souligne que la persuasion est une science que l’on peut apprendre.
Les gens ont plus de chance de suivre quelqu’un qui leur est semblable.
Les gestionnaires sages enrôlent donc des employés pour les aider à
faire passer leurs messages auprès des autres.
Les gens sont plus prêts à coopérer avec ceux qui les aiment.
Cela vaut donc la peine de prendre le temps de découvrir de véritables
similarités et d’offrir de sincères louanges.
Les gens tendent à traiter les autres de la façon qu’ils sont traités.
C’est donc une bonne politique de faire une faveur à celui de qui on
recherchera une faveur par la suite.
Les
individus ont plus de chance de tenir les promesses qu’ils initient
volontairement et publiquement. Le
gestionnaire aura donc avantage à favoriser des engagements volontaires affichés,
diffusés ou formulés devant témoin. Les
études démontrent que les gens vouent plus de considération respectueuse aux
experts. Avant d’essayer
d’exercer une influence, il vaut donc mieux prendre la peine d’établir sa
propre expertise et ne pas assumer que cela est si évident pour les autres. Les gens souhaitent surtout obtenir ce qui est rare.
Fournir une information privilégiée, de façon intime ou confidentielle
est plus convainquant que de fournir des informations facilement disponibles
pour tous. Ces éléments aident à
capter l’attention d’une audience, à convaincre l’indécis et à
convertir l’opposition à son point de vue.
Afin
de mieux circonscrire un champ de réflexion, prenons l’exemple d’une
demande d’hébergement. Vous présentez
à l’équipe de sélection le cas d’une personne qui à vote avis a besoin
d’être hébergé à cette institution. Comment
procéder?
Il
sera plus facile d’obtenir le résultat désiré en connaissant suffisamment
notre cible pour y adapter notre demande. Comprendre
la motivation d’autrui vous permettra d’adapter votre langage et vos
arguments : vous ne prendrez pas la même stratégie pour convaincre
quelqu’un qui est motivé à comprendre la situation dans toutes ses nuances,
quelqu’un qui est surtout intéressé à se mettre en valeur ou quelqu’un
qui est motivé par la défense de privilèges acquis (Wood, 2000).
En général, il vaut mieux choisir le moment propice, adopter un ton déterminé,
calme et persistant.
Une description détaillée du problème auquel
nous souhaitons obtenir une solution permettra à nos interlocuteurs de
comprendre la raison de notre demande. En
présentant les faits et en soulignant en quoi ils constituent un problème
important qui mérite une intervention spécifique, nous orientons l’attention
du comité. Un dossier bien monté
comprend les évidences sur lesquelles les gens peuvent s’entendre.
Pour avoir plus d’impact, il vaut mieux rapporter ce que nous avons vu
personnellement ou ce que des témoins directs crédibles ont rapporté.
Il faudra ajuster l’ampleur de la présentation au temps disponible.
La remise de documents résumant l’essentiel favorise la transmission
du message.
Dans un contexte informel, communiquer une image
puissante du pire scénario assure une implication émotive.
Affirmer «Je ne voudrais
pas qu’on le retrouve geler sur le bord du trottoir demain matin…» attire
certainement l’attention. Abuser de cette stratégie risque toutefois d’en diluer la
valeur. Une image trop forte risque
d’être contre-productif en étant perçu comme une agression, une menace et
un manque de respect.
Il
en est de même pour l’utilisation d’images personnelles suscitant la
compassion. Il faudra tenir compte
de la qualité du rapport établi avant de toucher l’intimité des gens. Une stratégie puissante peut devenir une insulte si le
rapport interpersonnel n’est pas établi.
Des phrases telles que : «Si c’était ma mère... », «Si c’était
ta mère... » peuvent toucher l’interlocuteur au point de le rendre hostile.
Une fois le problème établi, le travailleur social présente une
suggestion de solution, un plan structuré en soulignant en quoi cette démarche
est conforme aux politiques de l’institution et aux règles de bonne pratique.
Il est plus facile de persuader les gens si on peut subdiviser la démarche
en étapes. C’est le principe du
pied dans la porte. Une fois le
processus engagé, il est plus probable que l’on puisse le compléter. «On pourrait au moins commencer par faire une évaluation
complète de la situation»…
Face aux objections des personnes présentes, il
est toujours possible de rechercher un compromis : «Je comprends que nous
n’avons pas les ressources pour une intervention à long terme, mais nous
pourrions au moins faire une intervention de crise complète.
» Cela démontre notre
bonne volonté tout en maintenant notre ligne d’action.
Il
est plus facile de refuser une demande si l’on n’est pas impliqué
personnellement dans la recherche de solution.
L’intervenant social qui réussit à mobiliser autrui en créant au
besoin un malaise, une tension, une implication a plus de chance que ses
suggestions soient acceptées :
«Je comprends ce que tu dis. Mais
il faut faire quelque chose. On ne
peut pas simplement s’en laver les mains.
Qu’est-ce que l’on peut faire ?
Qu’est-ce que tu suggères ? »
L’évocation
des hypothèses favorables augmente l’attrait de nos suggestions.
«Dans deux mois, avec notre aide, cette mère pourra…»
Les arguments peuvent également souligner les avantages financiers (ou
autres) : «Donner des services coûte cher, mais ne pas en donner aussi.
Pensons au prix d’une hospitalisation…»
Pour
présenter des principes moraux favorables au changement, l’intervenant peut
puiser dans les principes de la politique de la santé mentale, dans la
formulation de la mission et des règles éthiques de l’établissement. «Ce patient a droit à des services de qualité dans son
milieu de vie. » «Nous prônons le respect du choix des personnes dans notre
code de vie…»
La présentation d’exemples positifs antérieurs favorise
l’adhésion au plan de traitement. «Souvenez-vous,
Claude Tremblay était dans le même état au début de ses traitements.
Maintenant…» En
contrepartie, l’évocation des complications associées au refus le rend moins
probable : «Je ne voudrais pas qu’on reçoive une lettre de l’avocat
de la famille, un téléphone du protecteur du citoyen, une lettre du député,
une visite d’un représentant du curateur publique, un grief syndical, qu’on
se retrouve dans les journaux la semaine prochaine…»
Tout
administrateur craint d’établir un précédant qui créera une brèche dans
les procédures. En plaidant
l’exception, l’intervenant s’adresse à cette crainte.
«Donnez-nous une chance
pour cette fois, c’est rare qu’on vous demande quelque chose. » «Il ne
s’agit pas de créer un précédent. Il
s’agit d’un cas d’exception.»
L’intervenant peut finalement évoquer le
recours à une autorité supérieure : «La régie régionale étudie présentement
les dossiers des personnes qui se perdent dans les zones grises du système.
Je suis certain qu’elle nous demanderait de lui donner des services et
qu’elle comprendrait difficilement un refus de s’impliquer. » «Le
directeur général m’a dit la semaine dernière que ce genre de cas ne devait
plus être mis de côté…» «Le conseil d’administration est-il au courant
des effets du manque de ressources ? »
Reprenons
cet exemple de demande d’hébergement en vous imaginant cette fois membre de
l’équipe de sélection. Vous
considérez que cette demande doit être refusée.
Comment procéder?
Dire
non peut être difficile. Il faudra
parfois persuader l’autre de la pertinence d’un refus.
Pensez aux situations ou il faut refuser d’accueillir une personne en détresse
dont le profil ne correspond pas au mandat de votre institution, aux limites
imposées par les ressources disponibles, à l’importance d’éviter de se brûler
au travail. Comment refuser?
En premier lieu, il est inévitable d’évoquer le mandat de l’institution. Quelle est la tâche principale de l’institution, celle qui amènerait sa fermeture si elle n’était pas exécutée? Une fois le mandat clarifié, il sera plus facile d’expliquer en quoi la situation présentée n’est pas conforme à ce mandat. «Notre institution n’offre pas ce service. Nous n’avons pas le mandat d’héberger des personnes en détresse. »
Le
refus d’étendre les services au-delà du mandat de l’institution peut également
se justifier par un désir de favoriser la responsabilisation et la création
d’autres ressources : «Si
on continue à contribuer à camoufler l’existence d’un problème, personne
ne va développer les ressources nécessaires. »
Dans
le même ordre d’idée, l’intervenant peut référer à la loi.
Au-delà de la bonne volonté, une équipe d’intervention psychosociale
ne peut décider d’un fonctionnement illégal sans devenir un modèle négatif
et sans risquer des représailles. «C’est
la loi. Notre mandat légal nous défend de recevoir des personnes nécessitant
des traitements médicaux. »
La référence aux limites du budget est malheureusement devenue une réponse fréquente au cours des dernières années. «Il y a un moratoire sur les placements d’ici à la fin de l’année. » « Le budget ne le permet pas. Je vais devoir fermer la ressource avant la fin de l’année si j’accepte plus de patients. »
Le
refus peut être basé sur des principes moraux et les droits d’autrui.
Pour convaincre son interlocuteur de la pertinence d’un refus, le
travailleur sociale peut évoquer par exemple la qualité des soins des bénéficiaires
déjà hébergés: «La qualité du traitement des gens que nous prenons en
charge va diminuer si nous étendons nos ressources au-delà de nos capacités.
»
Le refus peut également être basé sur un désir que la personne ait accès à de meilleurs services. L’intervenant peut alors évoquer l’importance d’obtenir des soins de qualité: «Elle aura de meilleurs services à une ressource spécialisée pour ce genre de problème. » Lorsque le problème présenté relève du mandat d’une autre institution, on peut suggérer une alternative : «Pour la fin de semaine, il peut aller à la ressource d’hébergement «La Casa». Téléphonons-leur pour préparer le terrain. »
Le responsable de la ressource peut également mentionner l’importance de respecter les limites et la sécurité de son personnel : «Nous ne pourrons pas aider grand monde si notre personnel est brûlé…» Le rappel d’un exemple négatif connu par l’équipe peut être convainquant : «Nous nous sommes déjà trouvés dans cette situation. Rappelez-vous Pauline Lazzy. Elle a mis le feu à l’établissement et envoyé trois thérapeutes en congé de maladie pour burnout. » Les responsables de la ressource peuvent offrir un partager du fardeau : Nous pourrions fournir un service de soins à domicile pour les soins de santé pendant que le centre de rééducation fournit un service d’éducateur spécialisé.
L’intervenant
psychosocial peut exprimer son refus sous forme d’incompréhension :
«Je ne comprends pas ton insistance.
Comment penses-tu que nous puissions accepter ce mandat en tenant compte
de notre mandat, de notre budget, de nos ressources actuelles ? »
«Je ne vois toujours pas comment c’est possible en respectant notre réalité.
Il va falloir m’expliquer cela mieux que cela pour me convaincre. »
L’intervenant
peut également évoquer la nécessité de maintenir un point de vue nuancé et
des des attentes irréalistes : «On
ne pourra tous les sauver… »«On ne peut pas les adopter…»«Il y aura
toujours de la souffrance. »«Ce
n’est pas nécessairement le style de vie que je souhaiterais pour mes
enfants, mais il y a toutes sortes de façon de vivre.
Certains choisissent un style de vie marginal et ils en assument les conséquences.»
Dans un contexte qui le permet, l’intervenant
peut évoquer l’implication personnelle excessive : «Je comprends que
cela te touche beaucoup. Je me
demande même si cela ne te touche pas trop personnellement.
Je comprends tout ce que tu es prêt à faire personnellement, en plus de
ton travail régulier. Je ne
voudrais pas que tu prennes ce problème là sur tes épaules et que prennes des
initiatives personnelles qui t’amèneraient à te mettre en danger et à t’épuiser.
» Ce type de commentaire suggère l’établissement d’une
relation professionnelle respectueuse. Les
attaques personnelles, les interprétations sauvages et les sous-entendus
moralisateurs ou méprisants ne faciliteront pas la création de la relation de
travail harmonieuse désirée.
Le
refus peut être en soi une intervention psychosociale si elle est bien expliquée
à la personne. L’intervenant
peut présenter des principes moraux favorables au refus : «Ce patient a
besoin d’être confronté à la réalité de nos limites.
Nous devons susciter des attentes réalistes. Il n’a pas quatre ans.
Nous ne sommes pas papa et maman. Il
doit se responsabiliser et assumer la conséquence de ses actes.
C’est un adulte. Il a choisi un style de vie.
Nous devons respecter ses choix et le laisser en assumer les conséquences.
»
L’intervenant
d’expérience peut évoquer un processus temporel qui situe la situation comme
ayant un sens partagé par plusieurs personnes dans le présent, en référant
à une expérience passée semblable et en évoquant ce qui se produira plus
tard : «Je comprends comment vous vous sentez, c’est arrivé souvent que
des intervenants ressentent la même chose.
Avec le temps, ils en viennent à constater que…»
Vous
aurez à présenter un cas complexe à une équipe interdisciplinaire.
Il faudra justifier une demande de subvention auprès de l’organisme
qui l’accorde. Il faudra justifier la répartition du budget de l’établissement
devant des administrateurs dont les intérêts sont en conflits avec les vôtres.
Certains administrateurs auront besoin qu’on leur vende la mission de
l’institution. Une présentation mal préparée peut avoir un effet désastreux
et nuire à la réalisation de vos buts professionnels. Davidhizar et ses collaborateurs (Davidhiza, et Rozendal, 1998; Davidhizar et Eshlemane,
1999 et Davidhizar, 2000) suggèrent des stratégies pour mieux utiliser les
rencontres d’équipe.
Il
vaut mieux penser avant d’agir. Avant
la rencontre, faites vos devoirs. De
quoi voulez-vous convaincre les gens? Quels
sont les arguments qui auraient des chances de les amener à adopter votre point
de vue? Quelle réaction
pouvez-vous anticiper? Certaines
personnes résistent au changement par habitude, par loyauté envers la personne
qui a installé le système actuel ou par peur de perdre des privilèges.
D’autres perçoivent une menace à leur sécurité, à leur estime de
soi, une perte de statut, un inconfort, un travail ou une pression supplémentaire,
une perte de familiarité au niveau de leur environnement et de leurs relations
ou se réfèrent à de mauvaises expériences antérieures.
Une fois ces peurs identifiées et expliquées, il peut y avoir moins de
résistance au sein du groupe. Être
bien préparé, bien informé sur le dossier et prêt à répondre aux questions
facilitera la persuasion.
Rencontrez
les personnes clés avant la rencontre.
Vous reconnaissez ainsi leur importance.
Une conversation en tête-à-tête vous permettra d’écouter leur point
de vue. Argumenter sans comprendre
n’est pas efficace. Il faudra
d’abord comprendre leur point de vue. Cela
facilitera l’établissement d’alliance positive qui sera utile au moment de
la rencontre. Ce support vous
permettra de vous présenter à la rencontre plus confiant.
Inclure dans votre présentation les suggestions de personnes clés
rendra votre présentation plus convaincante.
Ces
rencontres préliminaires vous permettront également de vérifier s’il y a
des chances que votre point de vue soit adopté ou s’il faut y travailler
encore un peu avant de l’amener en réunion.
La présence d’un allié, respecté par le groupe, qui présente une
partie de vos arguments et ajoute un mot de support peut aider à persuader
certains membres du groupe.
Soulignez
dès le début les buts et valeurs partagées :
«Nous voulons tous que les clients obtiennent les meilleurs services possibles
au meilleur coût possible». On
peut également reconnaître le désir de changement : «Je sais que vous
être préoccupé par cela depuis longtemps.
Voici une solution à ce problème.»
Expliquez
votre position et les raisons de son importance.
Les participants devraient obtenir suffisamment d’information pour
comprendre. Cela leur permet de se
faire une idée de la proposition à partir de connaissances pertinentes..
Les avantages (pour le client, pour les coûts, etc.) sont présentés.
Il ne faut pas assumer que chacun a le même niveau de connaissance.
Il faudra suffisamment d’information pour que tous soient informés,
sans infantiliser les gens en leur expliquant ce qu’ils savent déjà.
Sans suffisamment d’information, une sage décision ne peut pas être
prise.
Soyez
convaincu pour être convainquant. Bien
qu’une attitude agressive et hostile peur convaincre par intimidation, ce
n’est pas un moyen efficace d’obtenir un travail de groupe coopératif et
efficace. Le partenariat est
favorisé par une attitude positive et le leader qui dirige avec un sourire, un
peu d’humour et une attitude stimulante peut susciter un enthousiasme
contagieux. Lorsqu’une position
est présentée d’une façon énergique plutôt qu’ennuyante, un argument
faible peut être accepté par ceux qui apprécient le style de communication du
présentateur.
Exprimez
autant que possible votre accord avec les idées des autres.
En soulignant en quoi les idées présentées sont de bonnes idées, le
présentateur se fait des alliés. En
présentant les avantages de sa proposition, le présentateur reconnaît et
utilise les propositions d’autrui : «C’est une excellente idée et je
pense que vous avez souligné un très bon point».
Incorporer les idées des personnes du groupe à la position présentée
facilite l’acceptation de l’idée et permet de mettre l'emphase sur les
points d’accord. Si les
commentaires peuvent être reformulé pour sembler provenir de votre
interlocuteur, la résistance est moins probable.
«Vous vous souvenez lorsque nous avons discuté l’autre jour à ce
sujet? Si nous combinons cette idée
avec cette autre, je pense que nous aurons une approche très efficace. Vous
avez eu une très bonne idée et je pense que nous avons besoin de l’utiliser.»
Présentez
vos expériences personnelles pertinentes.
Cela augmente votre crédibilité. Celui
qui peut présenter des expériences personnelles et démontrer connaissance et
expertise sur le sujet a plus de chance de persuader.
«Nous avons commencé un programme semblable a cela à mon dernier
emploi. J’étais en charge de son
implantation et j’ai trouvé que cette stratégie aidait vraiment à en faire
un succès.»
Écoutez
les objections apportées. Cela
vous permet de démontrer une certaine courtoisie envers les personnes présentes
et vous donne de l’information sur leurs résistances. Au besoin, ralentissez et prenez quelques respirations
profondes. N’ayez pas l’air
trop rigide ou trop pressé. Si le
présentateur a l’impression que son idée n’a pas bien été communiquée
au groupe, plutôt que de passer au vote ou d’annoncer une initiative unilatérale,
il peut reporter l’action. «Maintenant
que nous avons de l’information sur ce sujet, donnons-nous un temps pour digérer
tout cela. Nous allons y revenir la
semaine prochaine. »Cela permet de
convaincre quelques personnes de plus que l’idée est bonne. Cela permet de ramasser plus d’information, d’ajouter le
support d’une autre personne dont l'apport est habituellement apprécié par
l’équipe. Attendre une semaine
de plus pour obtenir un solide consensus n’est pas un prix très élevé à
payer. Céder sur un point sans
importance pour obtenir du support pour un concept plus important est une
situation de négociation efficace pour construire un consensus.
Félicitez
les membres du groupe pour leur contribution.
Soulignez la valeur du partage des idées.
Complimentez le groupe pour un travail bien fait.
Terminez la rencontre par une ouverture positive vers l’avenir, sur des
images de collaboration et d’ouverture, d’étapes à franchir vers un
objectif commun. Évoquez de façon
positive l’idée de travailler à nouveau ensemble.
Cela facilite le travail de groupe et suscite un sentiment de
satisfaction au travail,
En
encourageant les gens à agir de façon cohérente, en fonction de leurs valeurs
et de leur image d’eux-mêmes, en tenant compte des risques de récompenses et
des punitions associées à leur choix, le travailleur social contribue à les
motiver, à les mettre en mouvement ou à leur permettre de s’arrêter lorsque
la situation l’exige. Convaincre
et persuader est un geste qui peut être hautement moral lorsqu’il est au
service du mieux être du client et du système qui l’entoure.
Il
ne s’agit pas de partir en campagne publicitaire illimitée pour convaincre
tous et chacun de choses sans importance. Ne
gaspillez pas votre pouvoir de convaincre sur des peccadilles. Ne mettez pas 250$ d’énergie sur quelque chose qui ne vaut
que 2,50$. Vous y perdriez de la crédibilité
et risqueriez l’épuisement. Conservez
votre énergie pour les luttes qui en valent vraiment la peine.
Terminons
cet éloge de la persuasion en soulignant l’importance de parfois… se
laisser persuader. Se laisser
convaincre n’est pas un signe de faiblesse, d’incompétence ou d’immaturité.
Une fois mieux informés, confrontés à de nouvelles idées et à de
nouveaux points de vue, souhaitons aux intervenants psychosociaux la souplesse
et la capacité d’adaptation nécessaire pour modifier leur point de vue.
Souhaitons surtout que cela soit un choix.
Le travailleur social n’a pas à être victime du pouvoir de persuasion
d’autrui mais plutôt acteur impliqué au cœur des débats importants !
Références
Barilan, Y. Michael et
Weintraub, Moshe, (2001). Persuasion
as respect for persons : An alternative view of autonomy and of the limits
of discourse. Journal of
Medicine and philosophy, 26 (1), 13-33.
Cialdini, Robert. B.(octobre
2001). Harnessing the
science of persuasion. Harvard
Business Review, 79 (9), p. 72-79.
Davidhizar, Ruth (Summer
2000). The art of getting what you
want for optimal patient care. Journal
of Practical Nursing, 50 (2), p. 16-18, 19, 22.
Davidhizar, Ruth. et
Eshlemane, Jan (Dec 1999). The
friendly art of persuasion. Health
Care Manager, 18 (2), p. 41-46.
Davidhizar, Ruth. et
Rozendal, S (June 1998). The art of
persuasion. Administrative
Radiology Journal, 17 (6), p. 13-15.
Varga, Daniel. W. (Feb 2001)
On persuasion. Journal of
the Kentucky Medical Association, 99 (2), p. 69-70.
Wood, Wendy (2000).
Attitude change: persuasion and social influence.
Annual Review of Psychology, 51, p. 539-570.
Psychologue en milieu hospitalier depuis plus de 35 ans, Bruno Fortin s'intéresse particulièrement aux stratégies d'adaptation face aux situations stressantes de la vie. Il a une vaste expérience d'enseignant et d'animateur d'ateliers. Il est l'auteur et le coauteur de nombreux ouvrages dont Comment améliorer votre médecin? aux Éditions Fides.
Avril 2021, © Bruno Fortin, psychologue. Tous droits réservés.